samedi 21 mai 2011

Mes activités au sein de l’élevage

Arturo étant à l’étranger depuis fin mars, je m’occupe du bon fonctionnement quotidien de l’élevage. Je suis chargée de travailler, avec Patty et Nelson, au maintien des aquariums, à l’alimentation des grenouilles, à arranger ce qui ne marche plus et acheter ce qu’il nous manque !



En plus, Arturo m’a chargé d’améliorer leur technique de travail pour la rendre plus systématique. J’ai donc créé ou amélioré leur fiches de données, où l’on note chaque activité : alimentation, maintenance, température, qualité de l’eau, etc. Nous avons donc réorganisé le travail au laboratoire de manière à rendre les données statistiquement analysables.

(Alimentation d'un individu de l'espère du lac Titicaca avec du "tubifex")


Un autre aspect important de mon travail ici a été de préparer un protocole d’identification descriptive et de mesures des individus adultes, et de l’appliquer. Tâche qui n’a pas toujours été évidente à cause du manque de matériel, d’espace et de disponibilité d’eau. En effet, la commune de Cochabamba nous fournit l’eau du robinet, mais pas tout le temps ! Ce qui n’est pas pratique lorsque nous devons remplir des aquariums, rincer notre matériel, etc. Pour y remédier, j’ai fait installer un réservoir de 1000 litres avec une pompe à eau et un système de flotteur (comme dans les toilettes), pour disposer d’eau en permanence ! Les installations sont toutes nouvelles et beaucoup d’améliorations restent à faire. Nous avons donc, finalement, pu identifier, mesurer et peser chaque individu, selon un protocole évitant de contaminer les individus provenant de différents aquariums et minimisant leur stress. Avec ces informations et des photographies de chacun, je vais remplir une base de données qui permettra de suivre l’évolution de chaque grenouille individuellement, ce qui n’était pas possible auparavant !

(Telmatobius hintoni - laboratoire du Museo de Historia Natural)

L’élevage des grenouilles au Musée

L’élevage des grenouilles de quelques espèces du genre Telmatobius représente la partie de Conservation du projet « Bolivian Amphibian Initiate ». Les individus que nous élevons dans nos aquariums ont été prélevés sur le terrain, lors de nos campagnes de prospection des populations sauvages. Le but est, premièrement, de les maintenir en captivité afin d’arriver à les faire se reproduire. De cette manière, une petite population pourra être obtenue au laboratoire. La finalité de cette opération étant la réintroduction de ces populations dans leur milieu naturel.

Cela ne se fait pas n’importe comment, bien entendu. Arturo a suivi plusieurs formations d’élevage de grenouilles vulnérable ou en danger d’extinction. Il a réussi à obtenir des fonds lui permettant d’acheter des installations : aquariums, climatisation, et autres matériel nécessaire au bien-être des animaux. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il est d’ailleurs actuellement en train de suivre une formation sur la réintroduction d’amphibiens dans les rivières, en Angleterre. Tous ces nouveaux savoirs et techniques lui permettront d’optimiser son élevage et de rétablir des populations éteintes dans certaines localités.

Pour l’instant, nous en sommes au stade de maintenir les grenouilles en vie, de leur apporter des conditions stables et de la nourriture régulière pour favoriser leur reproduction. En effet, ce sont des animaux sensibles et si leur milieu n’est pas favorable, ils ne se reproduiront pas. Arturo possède déjà un couple qui a eu, avec succès, une descendance en captivité. Nous avons donc des têtards et quelques juvéniles de cette espèce. Ce dernier stade est particulièrement délicat, et la mortalité est grande. Cependant, nous avons réussi à faire survivre un grand nombre d’individus (probablement plus que dans les conditions naturelles).

jeudi 19 mai 2011

Pourquoi conserver des grenouilles ?

Beaucoup de gens me demandent : quel est l’intérêt de protéger ces grenouilles ? Quel est leur rôle dans les écosystèmes ? Sont-elles si importantes que ça ?

A ces questions, existent plusieurs réponses justifiant l’intérêt du projet. D’ailleurs « Bolivian Amphibian Initiative » est un projet soutenu par de nombreuses fondations étrangères spécialisées dans les amphibiens. Ce qui prouve l’importance au niveau global de la conservation de ces animaux ! En effet, depuis une décennie, les études sur les amphibiens se sont multipliées dans le monde entier. 2008 avait été nommée « Année international de la grenouille » afin de promouvoir ces études et de sensibiliser la population face aux menaces qui pèsent sur les amphibiens. Les scientifiques se sont rendus compte que les amphibiens font parties des animaux les moins étudiés de la planète et qu’ils sont parmi les plus menacés par les activités humaines !

Maillon de la chaine alimentaire et contrôle biologique :

Les amphibiens contribuent à l’équilibre de l’écosystème, comme chaque espèce qui y habite, en faisant partie de la chaine alimentaire. Ils sont les proies de nombreux animaux (serpents, oiseaux, mammifères, etc.) et permettent donc leur survie. D’autre part, ils se nourrissent de nombreux invertébrés (insectes, vers, escargots, etc.) et permettent donc de contrôler leurs populations afin d’éviter leur prolifération. Les amphibiens sont donc des agents de contrôle biologique car ils permettent de réguler les populations d’insectes, dont certains sont des vecteurs de maladies telles que la malaria, ou des pestes pour les cultures locales !

Bio-indicateurs :

Les amphibiens sont très sensibles aux altérations de leur milieu. En effet, leur peau, semi-perméable, leur permet d’échanger des gaz avec l’air ambiant. C’est-à-dire qu’en plus de leurs poumons, ils respirent à travers leur peau. De plus, de nombreuses glandes sont présentes sur leur peau ayant de nombreuses fonctions vitales pour les grenouilles. Les propriétés de leur peau les rendent si sensibles à la pollution et aux changements environnementaux. De plus, ce sont des animaux à sang froid et ils sont donc aussi sensibles aux variations de températures. Dès lors, lorsque les grenouilles ou autres amphibiens sont abondant dans un écosystème, cela montre qu’il se trouve en bonne santé, qu’il est pas ou peu perturbé et pollué. Alors que, lorsque les populations d’amphibiens déclinent ou disparaissent, cela signifie qu’il y a un problème dans la qualité du milieu. Les scientifiques étudient donc les grenouilles afin de savoir quels sont les endroits pollués. Une fois identifiés, il reste à trouver la cause de la pollution pour pouvoir y remédier !!!

Partie importante de la Biodiversité, elles sont aussi utiles pour l’homme :

Les amphibiens font partie intégrante de la diversité et richesse biologique de notre planète. Elles se sont adaptées à presque tous les écosystèmes du globe, ont développé des formes et des couleurs des plus diverses et étonnantes, le simple fait de se métamorphoser, du têtard à la grenouilles, les rend fascinants ! Or, nombreuses activités humaines mettent en danger leurs populations, comme la déforestion, la fragmentation de l’habitat, la pollution des eaux et des sols, les feux de forêt, etc. en plus de la mycose chytride qui ravage de nombreuses population à travers le monde. Nous avons donc le devoir de préserver les espèces menacées ainsi que leur milieu. Protéger les grenouilles, c’est aussi préserver tout un écosystème qui leur est associé. Nous avons la responsabilité de transmettre aux générations futures un patrimoine naturel aussi riche que celui qui nous a été offert !

D’autre part, certaines grenouilles sont particulièrement étudiées aujourd’hui pour certaines caractéristiques qui pourraient fortement aider la médecine moderne. Des substances utiles contre les ulcères, contre le cancer, des anesthésiants sont naturellement produits par ses animaux, qui sont par-là précieux pour la science ! De plus, de nombreuses cultures utilisent les grenouilles dans leurs rites ou prennent leur poison pour la chasse. Beaucoup de légendes tournent autour de ces petites bêtes qui, souvent, symbolisent la chance, la fertilité, la richesse…


MON STAGE 3ème PARTIE : Arrivée au Musée d’Histoire Naturelle « Alcide d’Orbigny »

Après mes aventures au Lac Titicaca et à travers l’Altiplano, nous voilà revenu dans la civilisation. A Cochabamba, je découvre l’appartement qu’Arturo m’avait réservé, en bas de chez lui, au troisième étage d’un petit immeuble. Il est très spacieux, tout neuf, et surtout … pas cher !!! Il donne sur un par cet des terrains de football et se situe près de la Laguna Alalay.

Une fois installée et reposée, je suis présentée à l’équipe travaillant au Musée : Patricia et Nelson (nouvelle recrue). Je rencontre également les autres chercheurs, le directeur et quelques stagiaires et volontaires. L’ambiance y est conviviale, tout le monde se connait et s’entend bien. L’endroit lui-même représente un petit coin de Paradis dans la ville. En effet, le Musée se trouve dans un jardin presque sauvage, reculé par rapport à la rue, entouré d’arbres et palmiers. On y accède en entrant par un grand portail vert et en suivant une petite allée de terre.

De nombreuses écoles de la ville viennent visiter le Musée avec des enfants de tous âges. Les visites se font par groupes de 20 maximum, pendant ce temps les autres peuvent jouer ou attendre à l’extérieur, sans les dangers de la circulation. Dès mes premiers jours de travail au Musée, j’arrivais vers 9h ou 9h30 et nous prenions un café tous ensemble, certains ramenaient des biscuits, du pain ou autres pâtisseries à partager ! Cela renforce la cohésion entre les membres, qui ne sont pas payés pour travailler, et l’envie de se lever et d’aller au boulot. En effet, chaque personne au Musée travaille, comme Arturo, sur un projet personnel dont les financements viennent de l’extérieur. Le Musée lui-même ne vit que des maigres contributions laissées par les visiteurs et de la passions de ses membres ! Cette équipe chaleureuse va vraiment me manquer lorsque mon stage sera terminé.

mardi 22 mars 2011

En route vers Cochabamba

Avec quelques regrets, nous avons quitté ce lieu magique où se lient langues ancestrales, paysages majestueux et histoires fantastiques, pour rejoindre la ville de Cochabamba. Chaque fois que nous avons visité un nouveau ruisseau, nous en avons pris les coordonnées géographiques en indiquant si oui ou non nous avions observé des individus de Telmatobius. De cette manière, Arturo veut arriver à créer une carte de présence/absence de toutes les espèces de Telmatobius représentant toutes les zones surveillées de Bolivie.


Arturo en train de prendre les coordonnées d'un ruisseau où est présente Telmatobius

Drôle d’histoire

Un homme de ce petit village, qui parlait très bien espagnol, nous a raconté une légende qui circule sur les grenouilles de cette région. En effet, à peu près en même temps que le début de la guerre en Irak, le nombre de grenouilles et crapauds a fortement diminué. Il n’y avait pratiquement plus d’amphibiens (voir plus du tout). Dès lors, les gens ont cru que les grenouilles étaient parties à la guerre en Irak. Quand elles ont commencé à réapparaître, petit à petit, ils ont pensé qu’elles avaient gagné la guerre et que les survivantes revenaient au Pays !

C’est très intéressant car il s’agit probablement d’une contamination par la mycose Chytrid (la tueuse de grenouilles). Que les locaux ont interprété de manière plus fantastique et presque mythologique, que de manière rationnelle et scientifique… je ne sais pas encore qu’elle histoire je préfère ;-)

Recensement entre Sucre et Oruro

La voiture du projet, avec tout notre matériel à l'arrière. Nous n'avons jamais eu de problème de vol dans les communautés que nous avons visité, malgré que le coffre ne soit pas sécurisé !

Après les deux jours à Cajamarca, nous sommes revenus à Sucre pour nous réapprovisionner en vue de notre prochain voyage à travers l’Altiplano ! Une fois prêts, nous avons repris la route, cette fois direction Potosi (4200 m d’altitude). Sur le chemin, lorsque nous repérions un ruisseau représentant un habitat potentiellement favorable pour Telmatobius, nous allions faire un recensement en espérant trouver quelques individus à collecter, têtards ou adultes. Dans certains ruisseaux, nous avons eu de la chance, alors que dans d’autres, le courant trop rapide nous empêchait de voir correctement et de trouver quoique ce soit.

Arturo cherchant Telmatobius dans un ruisseau entre Potosí et Oruro

Un peu avant le coucher du soleil, nous avons fait halte dans une communauté proche d’une rivière que nous avons parcourue pendant 3h, après la tombée de la nuit. Seulement, à cette altitude, il fait un peu plus froid qu’ailleurs lorsque le soleil se cache ! Nous avions 36 couches pour tenir le coup, et nous faisions tout notre possible pour ne pas tomber dans l’eau !!!

Le lendemain matin, nous repartions avec tout notre matériel vers Oruro. De la même manière que le jour précédent, nous faisions halte au bord des ruisseaux intéressants et nous collections quelques individus de Telmatobius pour l’élevage au musée, lorsque nous en trouvions évidemment. Le soir, nous nous sommes arrêtés dans un petit village d’éleveurs de Lamas (14 élèves dans l’école et les maisons très éparpillées). Les autorités du village n’étant pas présentes, pour demander la permission de camper et de travailler dans la rivière, nous nous sommes directement adressés aux deux familles proches du cours d’eau.

Pré aux Lamas

Au début, ils étaient méfiants, mais après avoir présenté les documents officiels et leur avoir expliqué notre travail, ils étaient tous contents de venir nous voir, nous parler. C’était curieux pour eux que des européens passent dans leur minuscule village sans électricité où les gens ne parlent que Quechua (et un peu Aymara) entre eux (certains ne savent pas du tout parler Castillan !). Cette nuit-là, dans un froid presque glacial (notre eau a gelé quand même !) et avec courage, nous avons parcouru, comme chaque nuit, le ruisseau. Des dizaines et des dizaines de Hypsiboas alboniger, mais pas un Telmatobius !

Spécimen d'Hypsiboas alboniger

L’humidité et le froid nous ont gelé les os toute la nuit, malgré les couches superposées que nous portions… mais au réveil, plein soleil sur un paysage merveilleusement beau et grandiose de l’étendue de l’Altiplano avec les majestueuses montagnes de la Cordillère en arrière-plan ! Et le froid et les courbatures de la nuit étaient déjà oubliés !

Campement près d'Oruro

Eviter la contamination

Une des grandes menaces pour les amphibiens boliviens actuellement est la mycose Chytrid, un champignon qui attaque leur peau, les empêchant de respirer et conduisant irrémédiablement à la mort de l’individu. Cette mycose se répand dans le monde entier, causant de grandes pertes pour la biodiversité des amphibiens. En effet, elle peut exterminer une population entière en très peu de temps. Nous savons que cette mycose a déjà atteint certaines zones de Bolivie grâce à des échantillons de peau qui ont été prélevés sur le terrain et analysés. Cependant, dans les régions où aucune analyse n’a encore été réalisée, des précautions sont requises pour éviter d’y amener la mycose ou de la transférer d’une localité à l’autre ! Pour éviter cela, nous lavons nos bottes à l’eau de javel (Lavandina), après chaque expédition dans une zone déterminée.

MON STAGE 2ème PARTIE : travail de terrain en rivières

Cajamarca, dans la département de Chuquisaca

Après ces trois semaines au lac Titicaca, j’ai retrouvé Arturo à Sucre, la capitale, pour commencer la partie de terrain de mon stage. Là, Sarah et Marina nous ont également rejoints et une fois tous ensembles, nous avons préparé les affaires pour partir camper deux jours et deux nuit près des rivières. La première localité était Cajamarca, dans la province de Chuquisaca, où nous avons installé notre tente près d’une rivière où Arturo n’avait trouvé qu’un individu de l’espèce Telmatobius simonsi, en janvier. Cette espèce est très rare, et cela faisait des années qu’Arturo la cherchait avec espoir. Enfin, lors d’une expédition dans cette zone en janvier, il trouva une femelle. Cependant, un seul individu n’est pas suffisant pour représenter une population. Il fallait donc revenir pour tenter d’en repérer plusieurs.

Sarah préparant le dîner

Les espèces d’amphibiens présents dans cette régions sont actifs principalement la nuit, il est donc plus facile de les observer le soir. Pour cela, équipés de bottes et de lampes frontales, nous partions à la tombée de la nuit pour réaliser des transects dans la rivière.

Marina et moi équipée pour les longues marches dans les rivières, de nuit

La manière de procéder est la suivante : deux par deux, nous parcourrions un tronçon de la rivière, chacun d’un côté. Nous observions le terrain en face de nous (sur notre axe) et à 2m de part et d’autre de l’axe. Chaque fois que nous repérions une grenouille, nous complétions une fiche de terrain avec différentes informations, comme l’heure, l’espèce, le sexe, l’activité, le substrat, la méthode d’observation et sa distance par rapport à notre axe, entre autres.

Spécimen d'Hypsiboas alboniger

Dans cette rivière, nous avons trouvé des grenouilles de l’espère Hypsiboas alboniger, plus commune, et… DEUX individus de Telmatobius simonsi, caractérisés par leurs cuisses d’une couleur jaune vif sur la face inférieur. De plus, il s’agissait d’un mâle et d’une femelle : potentiel couple fondateur d’une nouvelle population. Cela constitue une donnée très importante pour le projet et pour la conservation de cette espèce. Nous savons désormais que cette rivière représente un habitat favorable pour cette espèce rare, argument pour tenter de le protéger des menaces qui pèsent sur les amphibiens.

vendredi 18 mars 2011

Les cours d’anglais

En contrepartie de l’aide apportée par les villageois, et sur demande de ces derniers, nous avons organisé des cours d’anglais pour les enfants du village. En effet, à Sicuani, les gens voudraient travailler dans l’écotourisme et, pour cela, ils se sont rendu compte qu’ils auront besoin de l’anglais. Il s’agit d’une bonne opportunité pour les sensibiliser à la conservation des espèces menacées et de les impliquer dans la restauration de leur habitat.

Tous les soirs à 19h, nous donnions donc une heure de cours, durant laquelle nous apprenions le vocabulaire basique dont ils pourront avoir besoin pour communiquer avec les touristes. Par exemple : comment se présenter (en mode question-réponse), compter et comment nommer ce qui les entoure (nourriture, animaux, objets, climat...). Les enfants étaient très enthousiastes, à tel point qu’ils voulaient même avoir cours le dimanche !!! Nous avions des élèves à partir de 7ans jusqu’à 22 ans, et même un adulte et l’éducation dans les petits villages reculés de Bolivie étant réellement très mauvaise, les cours étaient assez animés ! Certains ne connaissent pas la discipline, d’autres crient pour répondre et répéter ou posent milles questions, et d’autres s’en foutent complètement, pendant que certains mettent une éternité à copier les mots du tableau. Mais globalement, nous avons réussi à leur inculqué certaines notions en peu de temps. Bien sûr, ce travail nécessitera un suivi et de nombreux rappels, mais cela en vaut la peine !

Un cours d'anglais dans une pièce prêtée par Don Hilario dans sa maison

Collaboration entre villageois et chercheurs

Arturo montrant les grenouilles collectées à quelques enfants de Sicuani

Un autre aspect du projet est l’étroite relation qu’Arturo tient à établir entre les chercheurs et les populations locales, afin que les habitants se sentent en confiance avec nous et, également, qu’ils aient envie de prendre part au travail réalisé. Au lac Titicaca, les scientifiques et autres volontaires trouvent logement et nourriture chez Don Hilario et Doña Eustakia, en échange d’un tout petit loyer. D’autre part, Don Hilario met son bateau-moteur à disposition des chercheurs (au lieu de l’utiliser pour amener les touristes à la Isla del Sol). Cette famille est très impliquée dans le projet, ils comprennent les enjeux de la protection des grenouilles, mais également des poissons du lac et tiennent à soutenir l’initiative ! Au fur et à mesure, une relation de confiance est née entre Arturo, ses collègues et les villageois de Sicuani.

Don Hilario et Gustavo accompagnant Marina dans son travail avec leur bateau à moteur

Le jus de grenouilles

ur nous rendre compte de ce commerce, nous avons traversé la frontière entre Bolivie et Pérou. Dans un petit village péruvien, nous avons été témoin de la préparation de jus de grenouille. En réalité, il contient de nombreux ingrédients aux qualités curatives plus ou moins avérées. Notamment, de la cassonade, des œufs (avec la coquille), de la gelée royale, de la levure de bière, également de la « soupe de grenouille » - une dizaine de grenouilles dépecées baignent dans de l’eau chaude qui est utilisée comme base du jus - et une grenouille entière en prime. Le tout est mixé et vendu 2 soles le verre ! Les locaux croient que ce jus est bon pour la santé et permet d’améliorer ses capacités intellectuelles (due à la croyance que les grenouilles sont bonnes pour la mémoire…). D’ailleurs, certains clients nous ont avoué consommer un ou deux verres de ce jus chaque semaine contre des problèmes aux yeux ou au cerveau, par exemple. Les vendeurs ventent leur produit de guérir à peu près n’importe quels maux et même des maladies inconnues. Cependant, ce jus peut, au contraire, être source d’infection comme il a été montré dans plusieurs études sur la transmission de la salmonelle entre autres.

Ingrédients du jus de grenouille, avant l'ajout de la "soupe de grenouille"

Un gros des problèmes de cette situation est la capture d’un grand nombre de grenouilles étant déjà en danger critique d’extinction. Un commerçant de grenouilles nous a affirmé qu’il pouvait, dans certains cas, pêcher entre 500 et 1000 individus toutes les deux semaines ! Or, ce n’est pas un cas isolé, ils sont nombreux à profiter de ce commerce et à épuiser les populations du lac !!! Imaginez donc le nombre de grenouilles extraites chaque année …

Stand de vente de "jus de grenouille" sur un marché péruvien

Les différentes menaces

Les principales menaces qui pèsent sur T. culeus sont : (1) les grenouilles souffrent actuellement de compétition pour la nourriture avec les truites introduites et, également, certains oiseaux. (2) La perte de leur habitat due aux élevages de truites, de plus en plus nombreux, et à l’invasion de totora dans certaines localités. (3) la pêche intensive de la truite et des autres poissons du lac avec des filets à petites mailles (qui attrapent donc aussi les grenouilles). La pêche n’est plus réglementée depuis quelques années. Elle est autorisée toute l’année sans restriction durant la saison de reproduction ! Du coup, les poissons natifs du lac sont également en voie de disparition. (4) Dans certaines localités, les gens consomment les grenouilles, frites ou en soupe. Cette consommation peut être rare ou très régulière, dans ce cas elle peut mener à une forte diminution des populations. (5) Un phénomène qui met également cette espèces en danger est la consommation de JUS DE GRENOUILLE, principalement du côté péruvien du lac.

Les quadrats :


Dans ce cas, nous restions au sec, sur les rives du lac et nous faisions le tour de la baie avec notre quadrat (cadre en bois d’1m sur 1m). De manière équidistante, nous placions le cadre dans l’eau. En soulevant chaque pierre ou en bougeant la végétation, nous cherchions les grenouilles ou les têtards présents, ce après avoir fait une description du quadrat, c’est-à-dire de l’habitat. De cette façon, il sera possible de déterminer quelles sont les préférences d’habitat des grenouilles. Marina réalisait également quelques tests pour connaître le pH de l’eau et la présence de certains composés comme l’ammonium ou la teneur en CO2 … car, souvent, la présence de champs ou autres exploitations au bord de l’eau influencent la présence des grenouilles.

Les transects :

Pour réaliser les transects, Marina devait plonger (avec tuba) et observer depuis la surface les grenouilles présentes sur son passage. La longueur d’un transect était de 100m (calculée par GPS, sur le bateau qui la suivait). La visibilité dans l’eau nous restreignait à l’observation de profondeurs de maximum 5 ou 6m, parfois moins. Chaque fois qu’elle voyait une grenouille, elle mesurait sa distance par rapport à son axe de plongée et la profondeur, pendant que je marquais l’emplacement d’un point géographique. J’ai également formé Gustavo à l’utilisation du GPS pour qu’il puisse accompagner Marina quand je ne serais plus là.

Premier cours de "fonctionnement du GPS" de Gustavo

Chaque fois que le soleil pointait son nez, nous prenions le bateau avec Don Hilario (ou son fils, Gustavo) pour réaliser des transects : entre 8 et 15 par jour.

Don Hilario (droite), Marina (dans l'eau) et moi (gauche) durant la réalisation de transects

J’ai également eu l’occasion de plonger avec Arturo quelques fois, mais pas dans le cadre du mémoire de Marina. En effet, il est important pour les analyses statistiques que l’observateur soit toujours le même, afin d’éviter les erreurs d’observation.
Sarah (avant) et moi (arrière) avant ma première plongée dans le lac Titicaca, à la recherche de Telmatobius culeus

MON STAGE : 1ère PARTIE – LE LAC TITICACA



Les trois premières semaines de mon stage, j’ai vécu à Sicuani (petit village du lac Titicaca) chez Don Hilario et sa famille. Là, j’ai travaillé avec Marina qui étudie la densité des populations de Telmatobius culeus et leur préférence d’habitat dans 5 baies, pour son mémoire. Ces données seront très importantes et utiles pour la conservation de cette espèce. Son travail permet également d’améliorer les techniques de recherches, surtout en les rendant plus systématiques. Elle est restée deux mois sur le terrain, toujours accompagnée d’autres biologistes travaillant pour la « Bolivian Amphibian Initiative ». Durant ces trois semaines, je l’ai aidé à réaliser des transects et des quadrats dans chacune des localités, en marquant également les coordonnées géographiques de chaque grenouille trouvée, dans le but de réaliser une carte de présence dans ces localités.


Don Hilario et Don Fausto (gauche), Doña Eustaquia et moi (droite).
Don Fausto était notre voisin et élève des cours d'anglais!

Les apports du projet pour le futur !

Ce projet aura un impact majeur sur la conservation en Bolivie par l’établissement des priorités pour la conservation des amphibiens selon les espèces et les régions et par le développement des connaissances, de la formation et de la capacité d’agir selon ces priorités.

Le projet fournira également une quantité d’information extrêmement importante, principalement concernant les espèces menacées. Le but étant d’utiliser cette information pour influencer les décisions politiques, en permettant aux décideurs de comprendre la situation critique actuelle de la diversité du pays. Cela dans le but que se mettent en place des politiques de protection des amphibiens et de leur milieu. L’information obtenue pourra aussi être utilisée par d’autres chercheurs et conversationnistes et servira à former les jeunes biologistes, les locaux et les gardes de parcs afin de les encourager à créer leurs propres projets à travers la Bolivie. Cela afin d’assurer la mise en place et la réalisation des futures mesures de conservation.

BOLIVIAN AMPHIBIAN INITIATIVE : présentation

Le projet est basé sur 4 axes principaux : (1) La RECHERCHE, (2) La FORMATION aux différentes techniques d’étude des amphibiens, (3) L’ÉDUCATION et (4) L’ÉLEVAGE en captivité. Les objectifs de chacun de ces axes sont :

1) Fournir des informations sur les besoins écologiques, le statut des populations et la présence de la mycose Bd chez les espèces étudiées. Les résultats de ces recherches étant diffusés et donc accessibles à tout chercheur intéressé par le sujet ou étudiant des amphibiens.

2) D’une part, sensibiliser et former les membres des communautés locales à l’étude et la conservation des espèces présentent dans leur région. D’autre part, former les jeunes biologistes et les gardes de parcs naturels au travail de terrain spécifique à l’étude des amphibiens.

3) Favoriser la prise de conscience par rapport à la crise qui touche les amphibiens, au niveau de communautés locales et de la population en général, à travers des workshops, des activités éducatives, des expositions et d’autres médias.


4) Mettre en place des installations d’élevage en aquariums de certaines espèces du genre Telmatobius, au Musée d’Histoire Naturelle Alcide d’Orbigny (Cochabamba), dans un but de conservation, recherche et éducation. L’élevage des espèces plus ou moins menacées est nécessaire pour leur offrir, à court terme, une chance de survie en élevant des individus et en le réintroduisant si l’habitat est adéquat pour cela.

Pourquoi étudier les amphibiens en Bolivie ?


Avec son projet « Bolivian Amphibian Initiative », Arturo et son équipe veulent se focaliser sur les amphibiens des Hautes régions Andines de Bolivie où très peu d’études ont été réalisées. La perte d’habitat, la pollution, le réchauffement global et une mycose létale Batrachochytrium dendrobatidis (Bd) sont des causes d’extinctions locales de populations et, parfois, d’extinctions globales d’espèces. Ces phénomènes, de plus en plus courants depuis quelques décennies, causent la disparition de nombreuses espèces à travers le monde vivant et ne peuvent être connus, compris et ralentis que via des études biologiques sérieuses et continues. Cependant, ce genre d’études nécessite des apports économiques souvent difficiles à obtenir, elles dépendent des conditions climatiques et des effectifs humains et matériels. L’étude de l’énorme diversité biologique présente en Bolivie dans son ensemble est donc impossible à réaliser par un seul projet. C’est pourquoi Arturo a choisi d’étudier en profondeur un genre peu connu de grenouilles aquatiques : Telmatobius. En effet, ce genre compte quelques espèces figurant sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN, comme Telmatobius culeus, T. gigas, T. hintoni, T. marmoratus, T. yuracare.

jeudi 17 mars 2011

Arturo Muñoz : Mon maître de stage


Ce projet pour les amphibiens de Bolivie a été créé par Arturo Muñoz, un jeune biologiste herpétologiste bolivien. Sa passion des amphibiens l’a conduit à étudier les différentes espèces présentes en Bolivie, ce qu'il fait depuis plus de 10 ans. En effet, ce pays comprend une diversité biologique énorme avec une faune unique. Malheureusement, cette richesse est très peu connue principalement à cause de ressources économiques limitées pour les chercheurs. Par conséquent, il existe encore aujourd’hui de nombreuses localités n’ayant pas été étudiées de manière scientifique et de nombreuses espèces restent à découvrir. D’où l’intérêt de réaliser des projets d’étude et de conservation de cette biodiversité.

mercredi 16 mars 2011

INTRODUCTION

Pour commencer, je vais me présenter, mon nom est Eléonore et j’ai 24 ans.

Ma passion est l’observation et la compréhension de la nature et ses phénomènes. J'ai commencé des études de bio-ingénieurs durant lesquelles j’ai réalisé un stage qui changera ma vie autant pratique que philosophique ! En vivant trois semaines dans une famille d’agriculteurs belges, producteurs de fromage de chèvre biologique, j’ai pris conscience de la crise environnementale de notre époque, de ses causes et conséquences et que des solutions existent pour lutter contre ! Ma priorité est devenu la sauvegarde de l’environnement, des ressources qui nous font vivre et, plus particulièrement, la conservation de la biodiversité. J’ai donc décidé de faire mon Master en « Biologie des organismes et Ecologie ». Depuis, j'apprends à étudier et comprendre la nature en envisageant la biosphère comme un système ou absolument tous les éléments sont inter-connectés. Dès lors, chaque décision prise a des conséquences (plus ou moins importantes) à tous les niveaux et il est important d’en tenir compte avant d’agir ! D’où la nécessité d’étudier les écosystèmes en se focalisant sur certaines espèces bio-indicatrices par exemple, d’une part. Et d’autre part, de savoir communiquer cette information scientifique afin d’arriver à une conscience collective du problème et d’influencer les décisions politiques de gestion et protection de l’environnement. Cependant, la tâche n’est pas aisée et beaucoup de travail reste à effectuer. Voilà pourquoi j’adore mes études et les débouchés qui s’ouvrent à nous, jeunes écologistes !

Afin d’acquérir de l’expérience, j’ai réalisé mon mémoire dans le département de "Conservation Biology" de mon université ! Et je suis en train de vivre mon stage en Bolivie, dans le projet « Bolivian Amphibian Initiative » ! L'objet de ce blog est de présenter le projet dans son ensemble et, plus particulièrement, mes activités et contributions !!! Donc, voici tout de suite la présentation du projet, de manière détaillée.

Bonne lecture !!!